L’avionneur européen Airbus a annoncé, lundi 17 août, avoir signé la vente de 250 appareils A320neo à la compagnie Indienne IndiGo Airlines, pour un montant estimé à près de 24 milliards d’euros, au prix catalogue. La finalisation de ce méga-contrat confirme des engagements pris en octobre 2014. Jamais Airbus n’avait enregistré une commande d’appareils aussi élevée.
Le succès d’IndiGo, l’une des rares compagnies aériennes indiennes à afficher des profits, repose sur son modèle économique autant que sur la croissance du secteur et la construction de nouveaux aéroports dans le pays. Née en 2006, à une époque où les premières compagnies à bas coût essuyaient la colère des passagers pour leurs nombreux retards ou annulations de vols, IndiGo fut l’une des premières à se concentrer sur le « meilleur prix », plutôt que sur le « bas coût ». « Nous ne cessons de nous demander : de quel autre coût peut-on se débarrasser sans perdre un seul client ? C’est notre religion », expliquait Rahul Bhatia, le fondateur de l’entreprise, au magazine Forbes, en 2014.
Limiter les coûts
Si IndiGo commande autant d’appareils à Airbus, c’est d’abord pour limiter ses coûts de maintenance, de formation du personnel et de logistique. Les A320neo sont aussi plus économes en carburant, l’un des premiers postes de dépense des transporteurs aériens. Les avions IndiGo étant neufs, ils nécessitent moins d’entretien et enregistrent moins de retards. La compagnie s’est ainsi forgé une réputation de ponctualité très prisée de la clientèle d’hommes d’affaires.
Contrairement à d’autres compagnies, Indigo préfère se concentrer sur les court et moyen-courriers, son cœur de métier, plutôt que d’aller concurrencer les grandes compagnies sur des vols long-courriers. L’entreprise a également choisi de ne pas mettre en place de programmes de fidélité, qu’elle juge trop coûteux. Elle a enfin poussé la standardisation des tâches au maximum pour réduire l’intervalle entre deux vols et augmenter le taux d’utilisation de ses appareils.
Neuf ans après sa création, il ne vient plus à l’idée de personne, en Inde, d’appeler IndiGo une compagnie à bas coût. C’est peut-être là la clé de son succès. « Quand le client veut se serrer la ceinture, on en profite », ne cesse de répéter Rahul Bhatia. L’entreprise va même tenter d’appliquer les recettes de son succès au secteur de l’hôtellerie, puisque le groupe Accor l’a choisi comme partenaire pour ouvrir des hôtels en Inde.
« Sale and lease back »
Reste à financer l’achat de ces nouveaux appareils. IndiGo a annoncé, en juin, vouloir introduire une partie de son capital en Bourse pour réduire sa dette et continuer son expansion. Un accord avec la Banque commerciale et industrielle de Chine a également été signé, pour un montant de 2,6 milliards de dollars (2,35 milliards d’euros) : la banque chinoise rachètera des avions neufs à IndiGo, qui les lui louera. Une technique du « sale and lease back » que la compagnie affectionne.
IndiGo fait figure d’exception sur le marché indien. Dans le pays, les transporteurs aériens ont plutôt le profil de start-up : ils enregistrent des pertes en anticipant des profits futurs. L’un d’entre eux, Kingfisher Airlines, a même fait faillite en octobre 2012 dans un secteur qui souffre de surcapacité et amasse les dettes. Or IndiGo a quadruplé ses revenus entre 2010 et 2014, selon le cabinet d’études et de conseil en aéronautique CAPA India, et elle s’est emparée du tiers des parts de marché. Sa croissance est portée par la hausse du nombre de passagers en Inde, qui a atteint 13,9 % entre 2014 et 2015. En 2012, le pays ne disposait que de 0,07 siège d’avion par habitant, contre 2,49 aux Etats-Unis et 0,29 en Chine. Un potentiel de croissance qui aiguise les appétits : deux nouvelles compagnies, AirAsia India et Vistara, ont récemment vu le jour en Inde.
Avec IndiGo, qui a déjà commandé au total 530 appareils de la famille A320, Airbus a peut-être trouvé un cheval de Troie pour la conquête du marché indien. L’avionneur a créé une filiale 100 % indienne et s’est engagé à s’approvisionner auprès de sous-traitants dans le pays à hauteur de 2 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. En mars 2014, il estimait que les compagnies aériennes indiennes auraient besoin de 1 290 nouveaux avions pour les deux prochaines décennies. Un marché potentiel de 190 milliards de dollars.