Conférence La condition de la femme indienne par Laurence Lecuyer
La condition de la femme indienne par Laurence Lecuyer, 16 Novembre 2019
Laurence Lecuyer a souhaité parler de la femme en Inde, non en alignant des chiffres de femmes violées ou exploitées comme il en existe mais en nous invitant à adapter le point de vue d’un anthropologue et en demandant : qui est-on pour penser l’autre ? Il faut nous efforcer d’abandonner nos catégories mentales habituelles stéréotypées pour nous ouvrir sur des perspectives nouvelles et aborder autrement le sujet du féminin en Inde. En tant qu’anthropologue, Laurence Lecuyer observe les femmes indiennes et témoigne.
Elle nous donnera le témoignage d’une femme qu’elle connait bien, diplômée et qui n’a pas travaillé car elle a accompagné sa belle-mère en fin de vie, celle-ci étant morte dans ses bras, et ce qui nous semble une aliénation n’en fut pas une pour elle : elle a trouvé une satisfaction profonde dans la relation établie, le don de soi librement choisi. Méfions-nous de nos jugements… il en est de même lorsqu’on parle des castes en Inde.
Nous nous intéressons d’abord à l’archétype féminin, c’est-à-dire au modèle primitif idéal du féminin tel qu’il est pensé dans l’inconscient collectif. Nous voyons deux petites vidéos de femmes en train de danser car voir la femme dans une danse comme la Ghida du Penjab, ou la danse du sud, le Bharatanatyam, c’est toucher à son archétype : la femme élégante, parée de bijoux, se mouvant avec grâce…
Nous voyons aussi un idéal du féminin élaboré en continuité de la littérature sacrée. Les grands mythes, les récits épiques proposent des modèles féminins, des archétypes idéaux. Rama et son épouse Sita sont deux archétypes du masculin et du féminin. La femme fidèle à son époux qui refuse toutes les avances de son ravisseur Ravana. Elle incarne le respect de la pureté, la sexualité sauvegardée entre les époux, la pureté de la lignée familiale.
Le monde social applique ces idéaux. Dans le mariage, où la famille est prioritaire, la femme est la reproduction de la société : on retrouve la femme parée, sa féminité est mise en valeur.
En Inde la catégorie du féminin est liée au sacré, comme le montre le cas de Shiva et Parvati et de Shakti. Le démon Mahishasura, aidé d’une armée féroce, réussit après un combat de près de cent ans, à vaincre le dieu du ciel Indra et à évincer tous les autres. Comme il ne pouvait pas être vaincu par un être du genre masculin, c’est d’une femme que les dieux devaient espérer leur salut. C’est pourquoi dans un élan de fureur, ils engendrèrent une force lumineuse et cosmique qui se fit divinité féminine : Shakti. Shakti est la déesse mère, l’énergie créatrice du dieu car elle active sa puissance ; au-dessus de tous les dieux, se dresse l’image de la Mère, la déesse à l’Absolu. Cette Shakti s’incarne dans Parvati. C’est elle qui donne son énergie à Shiva. En effet, Shiva, après le décès de sa première femme, était devenu un ascète déconnecté de la vie sociale, réfugié dans la solitude de la forêt.
Parvati va essayer de le sortir de son isolement en le séduisant par ses attributs féminins mais cela ne fonctionne pas. Alors, elle se lance dans une ascèse encore plus dure que celle de Shiva et dans laquelle elle montre sa puissance spirituelle. Les capacités de l’esprit se révélèrent supérieures à celles du corps…
Dans une seconde partie Laurence Lecuyer, s’intéresse à la femme dans le monde social en se penchant sur le port du voile dans l’Inde du nord. Il reflète ce qu’est être une femme. Hommes et femmes couvrent leur tête. Pourquoi ? L’habit de tête marque un statut, une fonction sociale. Il n’est pas religieux. Les êtres humains veulent par l’habit de tête être respectés, draper leur dignité. C’est aussi un moyen pratique de s’isoler de certains hommes, de sa belle-famille aussi.
La distanciation sociale qu’exerce le voile dans la société renvoie à l’évitement du regard dans le métro, également forme de distanciation …
Il eut fallu encore beaucoup de temps pour faire le tour du sujet.
(Notes de Jacqueline Delaporte)